Ballon, 2001. Vidéo 00:01:20


Avec mon souffle, je remplis le ballon gonflable, Petit à petit le ballon soulève le cube réalisé en tiges métalliques, Je souffle et souffle encore, le ballon gonfle de plus en plus, jusqu’au maximum. À ce moment, je ne pense qu’à ce ballon, à rien d’autre. Augmente la sensation de pression. Le moment de l’explosion procure enfin un soulagement et un sentiment de libération.

Enfin, je me libérais, projetée par la force de l’air que je produis, projetée à l’extérieur de moi. Comme un rêve d’évasion vers un horizon extérieur, hors du cadre. À une époque où je ressentais une grande pression accumulée au quotidien, et où j’éprouvais le désir de me libérer des contraintes qui pesaient sur moi, ce travail exprimait une intention de dépassement, une volonté de surpasser les limites imposées par la réalité extérieure.

J’ai décidé d’enregistrer cette performance en vidéo pour pouvoir revivre à la demande cet instant porteur à la fois d’une réalité physique et d’un enjeu imaginaire. Chaque fois que le bande repasse, la sensation de renaître ce moment, de revivre cette projection libératrice m’accorde un certain soulagement, et agit presque comme une thérapeutique personnelle. Mais j’ai cru remarquer que les spectateurs qui assistent à la vidéo attendent, eux aussi, l’explosion finale avec une certaine tension et qu’ils ressentent l’explosion du ballon avec le même soulagement et un identique sentiment de libération. Ils partagent donc ce moment avec moi avec beaucoup d’intensité, sans doute parce que, eux aussi, ils se projettent dans la réalisation de la performance. En effet : « Le sujet qui projette trouve dans cette expulsion une situation plus avantageuse, un soulagement à son débat intérieur. »1

Ce travail part donc de la nécessité de résoudre une tension, de soulager ces contradictions intérieures provenant de mon exposition à un environnement nouveau. J’ai voulu expulser ce qui me tourmentait dans l’espace d’un moment qui, tout en étant tourné entièrement vers le phénomène physique de l’expiration, relevait aussi d’un temps dévolu à la concentration, à une méditation intense, un acte de pensée. « En face du minimum d’imprévu, en essayant de retrouver le règne de l’intimité pure et nue, nous nous apercevons soudain que cette attention à nous-même apportait par son propre fonctionnement ces délices et fragile nouveauté d’une pensée sans histoire, d’une pensée sans pensées. (...) Elle ne tient son évidence que de son caractère instantané, elle ne prend une conscience claire d’elle-même que parce qu’elle est vide et solitaire. »2


1. Jean Laplanche et J-B. Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, P.U.F., Paris, 1968. p.349.

2. Gaston Bachelard, Intuition de l’instant, Le Livre de poche, biblio, Paris 2003. p.35-36.


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