Tête à tête 2001. laiton argenté, peau de chamois, 23 x 17 x 3 cm

Ce travail part  d’une réflexion ancrée dans la quotidienneté, les circonstances et les rencontres.

En effet, depuis que j’ai des relations avec les gens d’ici, je me suis faite à l’usage qui consiste à se faire la bise, avec le fait d’entrer un instant en contact avec autrui, à cette coutume qui est une invitation à la proximité et qui m’avait étonnée au départ tant, chez nous, la distance physique reste toujours présente.

Cette distance réduite l’espace d’un moment me fait-elle me sentir plus proche avec la personne ? La distance invisible qui nous sépare des autres est-elle une limite immuable ?

Ce sont ces questionnements qui m’ont conduit à réaliser cet objet, conçu comme une mise en forme de cet intermède du quotidien pendant lequel nous nous rapprochons des autres jusqu’à les embrasser.



Tête-à-tête suppose la coopération de deux personnes pour fonctionner et faire apparaître son caractère instrumental.

Les deux fronts des deux personnes poussent légèrement l’instrument dans l’espace intermédiaire situé entre elles, ce qui suffit à le faire tenir en place.

Néanmoins, le caractère instable, précaire, de la rencontre ainsi installée oblige à se focaliser entièrement sur la présence de l’autre. Ainsi est-on forcé de concentrer son attention sur lui, et l’on se sent en quelque sorte responsable de ce qui peut lui arriver, en nous obligeant à faire abstraction de ce qui nous entoure pour maintenir un contact privilégié et conserver la distance idéale qui assure la permanence de cet entre-deux.


Si l’une des deux personnes recule, l’objet tombe, le tête-à-tête est rompu et l’instant de la rencontre est aboli. Ainsi, le caractère interactif de l’échange est souligné dans son inscription spatiale. De plus, cette distance idéale est mesurée précisément et elle correspond à la frontière qui marque le passage entre la sphère des relations personnelles et la sphère intime : en dessous de 15-20 centimètres, en effet, on rentrerait dans la zone sensible du couple, auquel personne n’a normalement accès en dehors des partenaires intimes. Ici, on se trouve à l’extrême limite, on se place tout au bord de « l’espace du dedans », plus intime et plus secret, laissant ouverte, au travers de ce rapprochement mesuré, la possibilité d’un instant de fusion entre les deux participants à l’expérience.

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